Peintures sous vide
9 – 14 juin 2020
Espace Beaurepaire
Paris | FRANCE
Cyr Boitard
Peintures
Des longs mois à l’atelier de Tours, dans l’idée d’un isolement créatif jusqu’à l’obligation de devoir s’enfermer, a surgi cette exposition d’un printemps hors norme.
Juin 2020, Paris.
Cyr Boitard expose donc ses nouveaux tableaux, 30 pour être précise, mais qui pourraient se développer encore pour un certain nombre d’entre eux, tant le peintre aime à travailler le motif, le démultipliant à l’infini. (extrait du catalogue)
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« Le Pinceau avance »
Des longs mois à l’atelier de Tours, dans l’idée d’un isolement créatif jusqu’à l’obligation de devoir s’enfermer, a surgi cette exposition d’un printemps hors norme.
Juin 2020, Paris.
Cyr Boitard expose donc ses nouveaux tableaux, 30 pour être précise, mais qui pourraient se développer encore pour un certain nombre d’entre eux, tant le peintre aime à travailler le motif, le démultipliant à l’infini.
Inlassablement déployés sur des carnets pendant plusieurs années, les croquis peuvent être oubliés avant que l’artiste ne se les réapproprie comme matrices de ses huiles sur toile. De ces carnets, un motif récurrent voire obsessionnel devra alors être travaillé par le peintre pour mieux s’en défaire.
C’est donc bien le mouvement qui va créer l’évolution d’un sujet considéré a priori comme anecdotique. Car Cyr Boitard conçoit sa composition comme un travail de matière et non pas la représentation d’un sujet.
Même si … même si des motifs très disparates surgissent et restent présents au fil des années et d’une technique à l’autre, créant un répertoire au spectre très large : les paysage de bosquets au cadrage serré, les oies, les hommes costumés bondissant, surgissant, l’homme à la valise…
Cyr Boitard est dans une exploration permanente qu’il compare aisément à des recherches mathématiques, partant de zéro, ou d’un axiome pour laisser son pinceau avancer comme il le dit lui-même, jusqu’à sortir de l’impasse.
D’où la résurgence, par exemple, d’un tableau exécuté en 2017 et achevé en 2020.
Ainsi « Ultimo atto » a été repensé et retravaillé pour créer la légèreté centrale apportée par le gris de la robe de la femme.
Le temps de la réflexion est donc indispensable : retourner la toile contre le mur, s’attaquer à d’autres châssis, lutter contre le manque de couleurs en temps de confinement pour en retrouver d’autres oubliées dans un tiroir, adapter sa palette, la réinventer, faire des contingences de la vie ses alliées.
L’artiste observe le réel non pour le sublimer mais pour créer une narration autre, sans référent apparent, – mais bien témoin de son environnement* -, travaillant par associations : « La Robe rose » dont le point de départ très lointain est une photo de ses parents en Tunisie. Ou bien scrutant les accidents comme dans « Au saut du lit » dont le dessin sur papier marouflé, déchiré, a créé une nouvelle forme, les draps, inspiration pour cette toile.
D’un mouvement à l’autre, l’artiste se rappelle peut-être ainsi son passé de décorateur au cinéma, dans des tableaux où le rythme est donné par des compositions découpées en triptyque (« Angle mort », « Cocodrillio »), voire plus, et qui une fois réunies donnent cette impression d’effet stroboscopique ou bien d’un folioscope**, comme dans « Frau und Gänse ».
Cependant chaque composition est pensée comme indépendante et non pas comme faisant partie d’un ensemble indivisible.
D’un corps bondissant fraîchement d’un sous-bois (« Les glycines »), au saut alerte d’un homme sur un passage piéton (« Lila Anzug »), à l’affolement de jeunes oies s’ébattant par surprise (« Mer d’oies »), on devine l’intention plus ou moins consciente que quelque chose va advenir, ou surgir…
… et la matière surgit ! Car il s’agit de cela, l’intérêt de Cyr Boitard pour une matière qui hante le peintre jusqu’à remettre son ouvrage sur le chevalet inlassablement.
La matière ou la couleur jaillissante comme celle de Joan Mitchell dont il admire les peintures. La couleur dans ce qu’elle a de jubilatoire, de gourmand, une sensation d’un code couleur détonant qui peut remonter à « La déposition » de Giacopo Pontormo (1526-1528), référence forte de l’artiste.
L’intérêt de la couleur se retrouve dans ce tableau mystérieux intitulé « Les coulures ».
Cyr Boitard a adopté une composition circulaire originale que l’on retrouve dans d’autres tableaux et qui crée une fois de plus le mouvement. Le titre fait référence de manière ironique aux tableaux et à un style où les coulures sont une sorte de marque de fabrique. Le peintre s’y adonne là de manière exagérée pour mieux pointer du doigt la question de la peinture. Qu’est-ce que peindre ? Qu’est-ce que le peintre tient à montrer ? Tout comme les couches de peinture qui vont se succéder, sécher, se répéter, autrement, d’une couleur à l’autre, ce qui est donné à voir est un tiroir aux multiples accès.
Et interprétations.
Le vivant : comme Noureev pouvait transmettre son art de la danse et de la vie, en un saut mélancolique et joyeux.
Le vivant des hommes, la valise à la main, prêts à partir.
Le vivant de la Nature (« Natura e belleza ») qui jaillit et se transforme en une palette de couleurs virevoltantes évoquant les Fauves.
Pour achever ce mouvement pictural, Cyr Boitard évoque son amour de l’opéra en français, en italien, en allemand, créant des titres de tableaux qui jonglent avec les mots d’une langue à l’autre.
Toutes ces mots ne sont que quelques clefs pour aboutir à un mystère plus vaste et riche qu’est « Primatologie », énergie pure de l’artiste jaillissant de la Nature.
Nathalie Béreau, mai 2020
* Ensemble des conditions naturelles et culturelles qui peuvent agir sur les organismes vivants et les activités humaines.
** ou flip-book; est sans nul doute l’objet du précinéma le plus connu du grand public. Ce livre animé, qui décompose le mouvement, permet de comprendre simplement les principes de base du cinéma (24 images/s). Réf. upopi.ciclic.fr