Exposition Ramifications

Coco Téxèdre et Colette Grandgérard, deux artistes femmes engagées sont réunies pour cette nouvelle exposition parisienne à l’occasion des 20 ans de la galerie Nathalie Béreau, fêtés tout au long de l’année.
En clin d’œil à cet anniversaire, nous avons sélectionné un ensemble d’œuvres de l’artiste Coco Téxèdre sur 20 ans de création, avec des thèmatiques qui se répondent à travers les décennies et font également écho aux nouvelles sculptures de Colette Grandgérard.
Ramifications, le titre de l’exposition, c’est « se diviser en éléments secondaires, surtout en parlant des végétaux ». L’exposition se déploie, créant un dialogue entre les œuvres et les artistes.

Coco Téxèdre, installée près de Chinon, travaille sur les motifs de l’arbre, de l’herbe ou du pollen, considérés comme des unités naturelles primordiales mais aussi comme des entités graphiques qui rejoignent par leur lignes l’écriture. L’écriture, constitutive du cheminement de l’artiste dès le début de ses créations.
De la racine à la branche, des feuilles à la brindille jusqu’au pollen, – en quelques traits -, l’artiste saisit la puissance créatrice fondamentale de la Nature, évoquée par des textes en une écriture automatique, sorte de mantras nous exhortant à réagir, a minima par le respect et l’admiration de sa beauté.
Les séries Arbres, Pollens, Botanica reprennent chacune à leur façon ce principe.
Et le féminin est lié à cette vision de la nature nourricière.
Tote bag (2021) est une œuvre de cette vision syncrétique : sur une ancienne chemise de lin l’artiste a marouflé des dessins de pollen. La femme et la nature se retrouvent ainsi étroitement associées dans une œuvre pliable que l’on emmène sous le bras tel un fourre-tout !

La femme comme sujet d’émancipation face à la violence dénoncée par l’artiste se retrouve très tôt dans son travail.
Avec Cibles (dessins de 2004), elle développe déjà l’idée d’une violence banale qui sera plus démonstrative avec son installation postérieure Ribambelles. Les couleurs sont vives, les textes drôles, la forme ronde, légère mais le sens d’une visée est bien là.
C’est avec tout autant d’humour que Coco Téxèdre travaille à la série intitulée Les culottes mémorielles, initiée en 2011. À partir de cartes postales anciennes représentant principalement les châteaux de la Loire, l’artiste a dessiné dessus – telle une brodeuse – des motifs de culottes en dentelle. Elle s’amuse avec les codes, les « monuments » historiques, les détournant, remettant de la féminité là où on ne l’attend pas (les châteaux, les monuments à la gloire de …). C’est ainsi une manière de rappeler l’importance et le rôle du pouvoir féminin à travers l’Histoire.

Colette Grandgérard, d’abord peintre et dessinatrice, s’est concentrée depuis les années 2000 sur les volumes sous forme d’installations et d’objets-sculptures. Elle travaille différents matériaux comme la tarlatane ou le grillage par exemple, où la couleur vient en résonance comme pour rappeler l’intensité de ses œuvres en 2D. A l’exposition Ramifications, nous avons choisi des œuvres nouvelles qui font partie de deux séries abouties, à savoir les Livres et les Personnages*.
Ce sont des sculptures témoins de la passerelle que l’artiste crée entre différentes géographies, pratiques, cultures depuis plus de 20 ans. Partageant sa vie entre la France et le Bénin, Colette Grandgérard a développé ainsi des techniques différentes : le bronze au Bénin, la pâte de cristal et depuis peu le raku en France. Au Bénin, où la pratique du bronze relève d’un savoir-faire non écrit, ancestral et relevant de rituels très stricts, se confronte en France, la pratique plus codifiée techniquement de la pâte de cristal et du raku. Les deux pratiques loin de s’opposer se complètent.

Ses thématiques liées à une grande curiosité des pratiques de vies, de cultures qui peuvent se retrouver d’un pays à un autre proviennent certainement de sa formation de chercheuse sociologue, professeure d’université. La pratique et la théorie sont donc liées et ses questionnements nous interpellent. Ainsi les personnages en bronze aux pieds et mains surdimensionnés comme pour mieux appréhender le réel, manient des ciseaux dont la signification revêt différentes formes selon les cultures. L’artiste a déjà travaillé sur les outils ou objets que ce sont les aiguilles, les entonnoirs, les valises, etc. révélant divers pans de notre culture collective et universelle.
Le livre, par son aspect formel plus massif propose aborder d’autres préoccupations de l’artiste : comment travailler une masse en transparence, donner l’idée des pages feuilletées ou écornées dans du bronze, faire ressentir la disparition du livre par des rendus de brûlé, d’une pâte de cristal opaque, des mots qui s’échappent, ou des patines d’un autre temps … Au-delà de cette recherche, elle nous emmène cette fois dans son imaginaire rêveur, même si certaines références comme des clochettes ou bien l’intervalle du Diable nous rappellent le savoir et l’humour de l’artiste.

Nathalie Béreau, mai 2024

*Toutes les sculptures de Colette Grandgérard sont des pièces uniques

Coco Téxèdre, Cible 01402, 2004, 72 x 57 cm, acrylique encre sur papier

Coco Téxèdre, Botanica, 2024, 40×30 cm, encre sur papier et couture

Colette Grandgérard, Des ciseaux jaillissent des contes, 2024, Ht. 42 cm, bronze réalisé au Bénin, pièce unique

Coco Téxèdre, Culotte mémorielle / Chambord, 2023, 40×30 cm, acrylique encre collage sur papier

Coco Téxèdre, Pollens 2022, 50 x 150 cm, huile sur papier marouflé sur toile libre

Colette Grandgérard, Livre Vents, 2024, raku, 20x14x16 cm, pièce unique